Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie, dysphasie : les troubles spécifiques du langage et des apprentissages (TSLA) ou troubles dys concernent environ 10 % de la population française, dont un million d’enfants, soit un à deux élèves par classe. Ce n’est pas rien. C’est même une priorité de santé publique soulignait la Haute autorité de santé (HAS) en 2018, publiant pour la première fois « un guide du parcours de santé », destiné favoriser la mise en place de prises en charge « plus fluides et mieux coordonnées, centrées sur les besoins de l’enfant ». Six ans plus tard, ledit parcours santé des enfants dys ne ressemble toujours pas à une promenade de santé. C’est ce qui ressort de l’enquête nationale menée par la Fédération française des dys (FFDys), avec la start-up Poppins auprès de 1223 familles, représentant 1535 enfants. Dévoilée ce 24 septembre, en amont de la journée nationale des dys, cette enquête visait à dresser un panorama des prises en charge en France en 2024. D’en repérer les forces, s’il y avait, et pointer les faiblesses, qui se révèlent malheureusement encore trop nombreuses.
Les mères d’enfants dys en première ligne
95 % des répondants à cette étude se sont révélé être… des répondantes. Des mamans qui sont de fait aux première loges pour juger de la prise en charge de leurs enfants, puisque pour 82 % des familles, la charge mentale repose sur un seul parent : la mère ! Dans près de 60 % des familles, où un parent à du adapter sa vie professionnelle pour pouvoir gérer les rendez-vous, de bilan ou de rééducation, et l’accompagnement quotidien des devoirs, c’est elle qui s’y colle. Dans la moitié des cas, ces mères ont aménagé leur temps de travail en passant aux 4/5e. Mais dans près d’un tiers des cas, elles ont carrément opté pour une pause professionnelle, sacrifiant leur carrière. Comment jongler autrement ? Les répondants déclarent en effet déclarer consacrer en moyenne 6 heures par semaine et 45 km de trajets hebdomadaires à accompagner leur enfant à ses divers rendez-vous (sans compter les accompagnements à l’école).
Un parcours d’obstacles
Contrairement aux préconisations de la HAS de 2018, la coordination du parcours de soin des enfants dys repose toujours essentiellement sur les familles. Dès le départ : ce sont en effet encore elles, massivement (89 %), qui repèrent initialement les troubles de leur enfant. Une fois ses difficultés repérées, le parcours du combattant ne fait que commencer. Il faut déployer des trésors d’énergie pour qu’il soit pris en charge, au départ principalement par des orthophonistes, puis le cas échéant par des psychomotriciens, orthoptistes, neuropsychologues, ergothérapeutes…Avec une fréquence de séances de rééducation (une/ semaine dans 60 % des cas) jugée insuffisante pour faire progresser l’enfant.
Y accéder est déjà une chance. Pour plus d’un tiers des familles de l’enquête, la mise en place d’une prise en charge adaptée à leur enfant se révèle en effet très compliquée : les professionnels de santé, débordés, ne sont pas disponibles, les délais d’attente trop longs. Sans compter le coût des consultations ou séances, pas ou mal remboursées par la sécurité sociale et les complémentaires santé, qui constitue un frein supplémentaire pour plus de la moitié des familles. Un tiers d’entre elles avoue devoir demander des aides financières ou des subventions pour pouvoir aider leur enfant.
Une scolarité difficile
Obtenir des aménagements à l’école n’est toujours pas simple non plus. La moitié des parents, qui déplorent encore le manque de formation des enseignants aux troubles du neurodéveloppement, déclarent qu’il leur a été difficile de mettre en place un plan d’accompagnement personnalisé ou d’obtenir une AESH. Et quand aménagement il y a, il demeure insuffisant, aux yeux de 65 % des parents interrogés, dont les enfants subissent une double peine : ils redoublent plus que les autres. 13 % des enfants dys ont redoublé en maternelle ou au primaire, et 6,5 % au collège et lycée, alors que la moyenne nationale se situe autour de 2. Vous avez dit égalité des chances ?
Claudine Proust