Nouvelle venue dans la galaxie des nombreux logiciels d’aide à l’apprentissage de la lecture, l’application Poppins à une spécificité : ce jeu ludique et musical a été conçu comme un programme thérapeutique, spécifiquement destiné aux enfants de 7 à 11 ans atteints de troubles Dys, dyslexie en tête.
Les enfants Dys progressent en s’amusant
Pour renforcer les compétences en lecture, écriture et compréhension de l’enfant Poppins propose 25 min jeux interactifs, et 100 à 500 niveaux, pour pouvoir l’aider à progresser. Concrétement, ce programme digital lui propose d’évoluer avec son avatar personnalisé dans un monde animé, plein de couleurs et de musique, et d’y remplir des missions.
Avec Fantoland, il sera chasseur de fantômes, chargé de capturer le méchant qui se cache parmi les gentils : chacun des fantômes est affublé d’une étiquette avec une syllabe ou un mot, à déchiffrer avant de cliquer sur le bon. Dans Supersmile, le voilà « dentiste » d’un ogre à grande bouche. Sur chaque dent, un mot : l’ensemble forme une phrase. Seulement voilà, il manque une dent : l’enfant va devoir choisir entre deux propositions de sonorité similaire, celle correspondant au mot manquant. Ces jeux de langage permettent de travailler quatre axes : écouter, lire, écrire, comprendre. Au fil de sa progression, l’enfant gagne des récompenses et de quoi personnaliser davantage son avatar.
L’importance de la musique
Sept jeux musicaux interactifs permettent de travailler plus spécifiquement le rythme de la parole, pour mieux anticiper l’arrivée des sons. « Il a été démontré que les compétences rythmiques étaient plus faibles chez les enfants souffrant de troubles du neuro-développement, et particulièrement chez les enfants dyslexiques. Or le rythme est essentiel pour développer les compétences phonologiques (la capacité à identifier des sons) nécessaires pour décoder et apprendre à lire, expliquait Catherine Grosmaître, membre qui conseil scientifique et neuropsychologue à l’hôpital Necker-Enfants malades (APHP), lors de la présentation de Poppins à la presse.
Une étude publiée en 2021 a démontré qu’un entraînement rythmique et musical permettait d’améliorer les compétences phonologiques d’enfants dyslexiques, par comparaison à des enfants qui ne recevaient pas cet entraînement.
Un programme thérapeutique digital
Si l’application est ludique et a été co-construite avec des spécialistes du jeu vidéo d’Ubisoft pour que les enfants aient avant tout envie de jouer, « nous l’avons développée comme un médicament » explique François Vonthron, cofondateur et PDG de Poppins.
Pendant six ans, elle a été construite avec des orthophonistes, en s’appuyant sur des partenaires scientifiques, spécialistes des TND et des troubles d’apprentissages, comme le Dr Michel Habib, neurologue au CHU de la Timone (Marseille), le Pr David Cohen, chef de service psychiatrie enfant-adolescent à la Pitié-Salpêtrière (Paris) ou le Dr Jonathan Bolduc, titulaire de la chaire de recherche musique et apprentissages à l’université de Laval (Quebec).
Avant sa mise sur le marché, la version finale du jeu a fait l’objet en 2022 d’un essai clinique, pour vérifier son efficacité. Pendant 8 semaines, elle a donc été testée, avec le concours de la Fédération française des Dys (FFDys) auprès de 154 enfants, âgés de 7 à 11, scolarisés du CE1 au CM2. Tous avaient un diagnostic de dyslexie, mais aucun ne bénéficiait-encore-d’un suivi chez un orthophoniste.
Tous les enfants ont joué cinq jour/ semaine pendant 25 minutes/jour. Ils étaient répartis aléatoirement en deux groupes. Tandis que les uns s’exerçaient sur les vrais jeux thérapeutiques, d’autres jouaient sur un placebo : un copié-collé de Poppins, avec les mêmes décors et personnages, mais qui correspondaient à de simple jeux de labyrinthe. Ni les enfants, ni les orthophonistes indépendants qui ont évalué leurs progrès avant/après le jeu ne savaient, qui jouait sur quoi.
Après ces huit semaines, l’effet de Poppins se révélait significatif sur les compétences phonologiques des enfants qui avaient une dyslexie sévère. Et tous avaient gagné en vitesse et précision de lecture.
Un complément aux séances d’orthophonie
« L’objectif de Poppins n’est pas de remplacer les séances d’orthophonie, précise utilement François Vonthron. Ce qui nous guide depuis le début, c’est de favoriser l’accessibilité aux soins dans les troubles du neurodéveloppement. »
Un accès encore défaillant aujourd’hui. Alors que la dyslexie concerne entre 5 et 17 % des enfants en âge scolaire, le diagnostic est encore rarement posé avant un âge moyen de 7 ans et demi. Côté prise en charge, il demeure difficile de suivre les recommandations de la Haute autorité de santé, qui préconise un entraînement de 10-30 minutes 5 fois par semaine, quand ont doit faire avec 12 à 24 mois d’attente pour trouver ne serait-ce qu’un rendez vous chez un orthophoniste.
un relais efficace à la maison, en attendant les premiers rendez-vous ou entre les séances d’orthophonie
Dans ce contexte, la thérapie digitale de Poppins, conçue pour être utiliser 20 mn/ jour et 5 jours/ semaine peut constituer un relais efficace à la maison, en attendant les premiers rendez vous ou entre les séances d’orthophonie.
Le programme thérapeutique comprend d’ailleurs aussi un accompagnement et un suivi parental, pour que les parents puissent évaluer la progression de leur enfant, tout en le laissant jouer en toute autonomie. Sans crainte qu’il ne « s’abrutisse » d’écran : l’appli est aussi conçue pour s’arrêter au bout de 20 mn d’utilisation.
Bientôt remboursé ?
Seul hic, aux yeux de certains parents : Poppins n’est pas gratuit. Pour un an d’utilisation, l’abonnement est fixé à 26 €/ mois. Mais si les fondateurs de la Start-up ont tant insisté pour que le jeu soit développé comme un programme thérapeutique, validé par des études cliniques, c’était aussi pour obtenir sa reconnaissance en tant que dispositif médical.
Forte de son marquage CE, elle espère désormais obtenir un remboursement de la sécurité sociale courant 2025. D’ici là, des partenariats ont été noués avec une demi-douzaine de mutuelles, listées sur le site, qui acceptent déjà de rembourser l’abonnement intégralement.
Nina Killias