“ Mathis a un trouble de l’attention avec hyperactivité (TDAH), diagnostiqué depuis la 6e. Il a toujours eu un PAP. Mais cette année, pas de médecin scolaire à Toulon, pour le signer : non seulement, les aménagements ne sont pas respectés en classe mais, en plus, je ne sais pas s’il aura droit au tiers temps pour le brevet » se désespère Julie – qui voit la date de l’examen s’approcher sans aucune solution pour son fils.
Pénurie de médecins scolaires : l’égalité des chances en danger
Dans les établissements scolaires français, l’accompagnement des élèves à besoins éducatifs particuliers qui n’ont pas de reconnaissance de handicap repose sur ces dispositifs créés en 2015 pour désengorger les MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). PAP ou PAI permettent aux élèves de bénéficier d’aménagements pédagogiques adaptés à leurs besoins (tiers-temps lors des contrôles ou examens, utilisation d’un ordinateur, supports adaptés ou allègement du travail écrit). A la condition qu’ils soient validés par un médecin de l’Éducation Nationale.

Aujourd’hui, la pénurie de médecins scolaires compromet sérieusement la mise en place de ces plans : en France, selon le rapport de la Cour des comptes de 2022, on comptait moins de 900 médecins de l’Éducation Nationale pour 12 millions d’élèves en France. Soit moins d’un médecin pour 12 000 élèves !
Face à cette réalité, certains rectorats priorisent les demandes de PAP et les réservent aux enfants qui doivent passer le brevet ou le bac en fin d’année. Au détriment de tous les autres. C’est le cas des académies de Nice, de l’Isère et de Versailles. Des notes internes -que nous nous sommes procuré- établissent des priorités : d’abord les élèves en classe d’examen, ensuite les CM2. Les autres ? Ils devront attendre !
Comme le souligne Valerie Vignais, de la Fédération FFDys : “C’est une école à deux vitesses. À trouble équivalent, certains élèves bénéficient d’un PAP, d’autres n’ont rien du tout. Tout dépend de leur niveau scolaire ou du département.”. On est loin de l’égalité républicaine dans l’accès au savoir…
PAP et PAI: mission impossible dans certaines académies
Dans le Loiret, certaines familles attendent jusqu’à quatre ans pour obtenir la signature d’un PAP : la situation est à ce point catastrophique qu’un collectif (Collectif PAP 45) s’est formé pour alerter les pouvoirs publics, en octobre 2023. En février 2025, la députée du Loiret, Pauline Martin, a interpellé la ministre de l’Éducation nationale sur la grave pénurie de médecins scolaires dans l’académie d’Orléans-Tours, soulignant qu’une dizaine de postes sont vacants – empêchant toute validation de PAP ou PAI. En vain.
Face à ce blocage, certaines familles déposent une demande de reconnaissance de handicap et un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) via leur MDPH. Un comble lorsqu’on sait que PAP et PAI ont précisément été créées pour désengorger les MDPH, déjà saturées. Estelle Rossignon, représentante du Collectif PAP 45, dénonce cette absurdité :“Des élèves avec des troubles comme la dyslexie ou le TDAH sont contraints de passer par la maison des personnes handicapées. Ça surcharge les MDPH et ça ne garantit pas que le handicap sera reconnu !”
À Bordeaux, Hervé Hermenier, membre de la CDAPH (Commission du Droit et de l’Autonomie des Personnes Handicapées, l’organe décisionnel qui attribue les droits pour la MDPH) estime que “ 20 % des dossiers qui passent en Gironde par la MDPH pourraient être des PAP… si ces derniers étaient effectivement mis en œuvre par l’école.”
Le “choc de simplification” des MDPH actuellement est en préparation au ministère a de beaux jours devant lui.
Un décret à revoir
Pour Nathalie Groh (présidente de la FFDys), il est temps d’assouplir le dispositif : “Pourquoi imposer l’intervention d’un médecin scolaire, introuvable, quand d’autres professionnels de santé compétents ont déjà établi un diagnostic complet ? Pourquoi ne pas modifier le décret du 4 décembre 2020 qui encadre la procédure ? On allégerait ainsi les démarches des familles, on désengorgerait les MDPH… et surtout, on garantirait plus efficacement le droit à l’aménagement scolaire pour tous les enfants qui en ont besoin. »
Car derrière les PAP, PAI, MDPH, PPS et autres sigles administratifs, il y a des visages. Des enfants. Et leur droit à apprendre comme les autres.
Elvire Cassan