« Quand on m’a annoncé l’autisme de Karl-Emmanuel, on m’a dit que c’était sans doute dû à des traumatismes que j’aurais vécu dans mon enfance. » « Moi, on m’a dit que mon fils était autiste parce que je l’aimais trop. » L’autisme d’Arthur ? Nié : « on m’a expliqué qu’il avait des problèmes parce que j’avais repris le travail. » Moi au contraire, enchaîne une autre maman : « on m’a dit que mes enfants étaient autistes parce que je n’étais pas retournée au travail. »
Quatre mères se succèdent face au spectateur. Leurs enfants sont lovés contre elles, sur le grand canapé d’un salon à l’air confortable. Leur témoignage est bref, énoncé d’un ton presque léger face caméra. Mais la ressemblance avec des faits réels n’est pas fortuite du tout. En quelques phrases, ces vraies mamans d’enfants autistes résument l’extrême violence de propos et d’idées reçues encore trop souvent assénés aux parents d’enfants autistes avant, pendant et parfois après le diagnostic. De la part de l’entourage, proche ou lointain mais aussi parfois, de professionnels de santé.
Les mères surtout, culpabilisées au premier chef, comme le souligne la dernière séquence, où l’on découvre l’acteur Francis Perrin, sa femme Gersende et l’un de leurs fils, Arthur, autiste, partageant le même canapé. Les sourcils en accent circonflexe, l’acteur fait sobrement mine de s’étonner. « Moi ? On je m’a jamais rien reproché. C’était toujours ma femme le problème. Mais non, l’autisme n’est pas la faute des mamans : c’est un trouble du neuro-développement. En avoir conscience, c’est déjà un premier pas. »
Détricoter un ou deux préjugés sur l’autisme en 50 secondes. Sans virulence et de façon accessible et lisible par tous ? C’est le pari de ce petit film que tout le monde pourra découvrir, cette semaine. Il fait partie d’une série de trois spots, diffusés à partir d’aujourd’hui, à l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme et durant toute la première semaine de ce mois, d’avril, sur la plupart des chaînes de télévision (France TV, groupe M6, Canal+ Group, NRJ) mais aussi dans 200 salles de cinéma et sur internet.
Une campagne de sensibilisation nationale, co-signée par la maison de l’autisme et les 27 centres de ressources autisme (CRA) qui s’affiche autour de cette ambition : « mieux connaître l’autisme, c’est mieux vivre ensemble ».
L’objectif est clair, soulignait Fadila Khattabi, ministre en charge des personnes âgées et des personnes handicapées, lors la conférence de presse qui présentait ce trois spots jeudi dernier : « Donner à chacun des clefs de compréhension essentielles de ce qu’est l’autisme. Non l’autisme n’est pas le résultat d’une trop longue exposition aux écrans. Non l’autisme n’est pas causé par les parents. Non l’autisme n’a pas d’origine psychanalytique. Mieux comprendre ce trouble nous permettra de dépasser collectivement les postures désuètes qui ont un impact réel et négatif sur la qualité de vie de plus de 700 000 de nos compatriotes » appuie la ministre.
Il faut ouvrir un nouveau chapitre qui permette à la société de porter un regard bienveillant sur tous ceux qui ont un handicap invisible.
Méconnaissance, incompréhensions, culpabilisation, difficultés du quotidien : de l’école au monde du travail, 89 % des personnes autistes se sentent incomprises par leur entourage, proche ou lointain *. Une campagne de sensibilisation, fut-elle annuelle, ne résoudra évidemment pas tout. Mais selon Fadila Khattabi, elle fait écho aux mesures de la stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement, annoncée en novembre dernier, par Etienne Pot. Délégué interministériel à la stratégie nationale, confirme : « il faut poursuivre un travail sans relâche pour que le grand public et tous les professionnels en contact avec des personnes autistes aient les bonnes clefs de compréhension de ce trouble. Il faut ouvrir un nouveau chapitre qui permette à la société de porter un regard bienveillant sur tous ceux qui ont un handicap invisible. »
Pour ce faire, chacun des trois clips aborde un thème différent : « la faute aux mamans » ou celle supposée des écrans ; l’hypersensibilité sensorielle de personnes autistes ; leur difficulté à lire les émotions et comprendre l’implicite d’expressions imagées.
La campagne s’est construite avec des personnes concernées. Hélène Grémillon, co-scénariste du film Presque, tourné et joué par Bernard Campan et Alexandre Jollien en 2022 a travaillé avec Minh Tran Huy, journaliste et auteure d’Un enfant sans histoire, publié en 2022. Maman de Paul, 10 ans, autiste sévère, elle s’est entendu dire dans un centre médical que son fils était autiste parce qu’elle était…d’origine étrangère. Quant à ses voisins, l’un d’eux lui a suggéré un jour de mettre une camisole à Paul, parce qu’il faisait trop de bruit…
Ensemble, elles ont imaginé les scénarios avec les mamans pour « combattre la caricature sans en créer d’autres », sachant qu’il y a autant d’autismes que de personnes autistes. Parce que l’autisme peut faire peur, pour mieux entrainer le spectateur, elles ont évité le pathos et volontairement opté pour un ton léger. Et même un zeste d’humour, porté par les têtes connues qui participent à chacun des films, avec des personnes autistes, dont l’écrivain Paul El Kharrat. Francis Perrin, Elie Semoun, l’humoriste Paul Mirabel n’apportent pas juste leur caution de « personnalités » médiatiques. L’autisme, ils connaissent aussi. La culpabilisation les préjugés et les incompréhensions : ils ont tous les trois éprouvés, Francis Perrin et Elie Semoun, avec leurs fils , aujourd’hui adultes ; Paul Mirabel avec son frère.
Claudine Proust
* Quatrième édition de l’étude d’impact de la stratégie nationale pour l’autisme au sein des troubles du neurodéveloppement, 2022, 11 880 répondants.