Dire que ces recommandations pour améliorer la prise en charge des enfants et adolescents avec un TDAH étaient attendues est un euphémisme. « Vingt ans ! Il a fallu attendre vingt ans… » rappelait Christine Gétin, directrice de l’association HyperSupers-TDAH, lors de la soirée de présentation des nouvelles recommandations de la HAS au ministère de la santé mardi soir. D’un sourire ému, l’énergique fondatrice d’HyperSupers-TDAH se souvient de la première fois où elle a tapé à la porte du Pr Philippe Mazet, ancien chef de service de Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à Pitié-Salpêtrière, décédé en 2020, qui s’intéressait aux troubles cognitifs des enfants et adolescents, pour qu’il soutienne sa demande de recommandations aux autorités sanitaires. C’était en 2004 : « sa mâchoire s’est décrochée, et il m’a juste dit « on est pas arrivés », résume Christine Gétin.
Eviter l’aggravation des conséquences du TDAH
En 2015, la HAS a bien émis de premières recommandations de bonnes pratiques, essentiellement pour inciter les médecins de premiers recours à mieux repérer les signes d’un potentiel TDAH et adresser les enfants à un spécialiste en cas de doute. Insuffisant pour éviter errances diagnostiques, retards d’accès aux soins et de prise en charge : les familles, qui se heurtent encore trop souvent à la méconnaissance du trouble même, y compris par du personnel soignant, en savent quelquechose.
Il n’y a pas d’âge limite pour évoquer un diagnostic de TDAH,
La Haute autorité de santé a donc a nouveau été saisie en 2019, conjointement par l’association et la délégation interministérielle aux troubles du neurodéveloppement, pour aller plus loin. Ses recommandations, qui viennent d’être publiées, ont été co-construites par les associations et des professionnels de santé spécialistes du TDAH réunis en groupe de travail pendant un an et demi. Le préambule est clair : diagnostiquer et accompagner le plus tôt possible les 5% d’enfants concernés par ce trouble du neurodéveloppement est essentiel pour éviter une aggravation des conséquences psychologiques, scolaires, familiales et sociales. Que ce soit à 3, à 5, 10 ou 15 ans et bien plus tard encore : il n’y a pas d’âge limite pour évoquer un diagnostic de TDAH, rappelle la HAS.
Améliorer le diagnostic
Trouver un rendez vous avec une spécialiste ès-TDAH relève trop souvent du parcours du combattant. Voire de la mission impossible. Le diagnostic est pourtant indispensable : « savoir les difficultés que l’on a est la première étape pour les comprendre et apprendre à les contourner » rappelle le Pr Olivier Bonnot, psychiatre et président du groupe de travail. Pour fluidifier l’accès à ces diagnostics, jusqu’ici réservés aux seuls pédiatres, neurologues et psychiatres, « il faut étendre les compétences d’un certain nombre de professionnels de santé existants » souligne Lionel Collet, président de la HAS.
tout médecin doit être capable de faire un examen psychiatrique de base »
Sauf suspicion de trouble complexe qui nécessite d’adresser l’enfant à un centre de référence, le diagnostic peut donc désormais être posé par tout médecin, qu’il soit spécialiste ou praticien de premier recours (pédiatre ou généraliste). A condition qu’il soit formé au TDAH. Une grille d’examen type sera par ailleurs mise à leur disposition pour les aider à évaluer les troubles associés.
Ce diagnostic ne peut pas être fait par téléconsultation. « Il repose sur un examen clinique, à la fois psychique et somatique. Tout médecin doit être capable de faire un examen psychiatrique de base » insiste Olivier Bonnot. Il n’existe aucun biomarqueur ni examen complémentaire qui permette de confirmer un diagnostic de TDAH. Les bilans neuropychologiques-difficiles d’accès faute d’assez de professionnels, et coûteux-ne sont pas indispensables à ce stade. Ils seront utiles ensuite pour évaluer le suivi thérapeutique.
Construire le projet thérapeutique avec les familles
La prise en charge d’un enfant ou adolescent avec TDAH doit être globale, pluridisciplinaire « et se faire en association avec les familles » rappelle la HAS : « c’est la meilleure garantie qu’elles y adhérent » souligne Lionel Collet.
-Ni les approches psychanalytiques ni des techniques comme le neurofeedback n’y ont leur place. Le projet thérapeutique doit reposer en premier recours sur des thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles pour l’enfant, et la psychoéducation pour les parents. But : leur apprendre ce qu’est le TDAH, ses répercussions et comment composer avec pour aider l’enfant. Dans ce cadre, la HAS préconise le recours aux programmes d’entraînement aux habiletés parentales (programme Barkley). L’accompagnement scolaire et pédagogique adapté aux difficultés de l’enfant doit être inclus dans cette prise en charge.
-Les médicaments ne doivent être prescrits qu’en deuxième recours et toujours associés aux mesures d’accompagnement non médicamenteuses. Si traitement il doit y avoir, ce sera en première intention du méthylphénidate à libération prolongée, en dose adaptée selon efficacité et tolérance.
Ces jalons clairs posés, « c’est un premier pas », prévient Christine Gétin. Il va en effet falloir former les médecins volontaires. Correctement. Sans parler des enseignants. Et se remettre très vite au travail, pour plancher sur des recommandations claires pour la prise en charge et l’accompagnement du TDAH des adultes, qui n’existent pas à l’heure actuelle. Un travail qui devrait aboutir d’ici la fin 2025.
Claudine Proust