Responsable du centre d’excellence pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement (InovAND) à l’hôpital Robert-Debré (APHP) et directeur médical de ce nouvel institut hospitalo-universitaire, le Pr Richard Delorme a une façon très simple de résumer les choses : « ce projet est né parce que je suis un peu…en colère. »
Colère, « parce qu’on ne s’occupe pas de maladies rares ! » Autisme-avec ou sans déficience intellectuelle, trouble déficit de l’attention, troubles DYS : les troubles du neurodéveloppement touchent un enfant sur six en France. Ce ne sont pas des maladies, mais sous identifiés, sous pris en charge, ils affectent dès le plus jeune âge la trajectoire de développement de l’enfant. Alors que ce n’est pas une fatalité, ils pèsent sur leur bien-être, leur scolarité, la vie de toute la famille et leur avenir.
Améliorer la trajectoire des enfants avec un TND
Colère ? Parce qu’à l’hôpital Robert Debré, où il dirige le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, et où 50 % de l’activité à trait aux troubles du neurodéveloppement, il n’en peut plus d’accueillir des familles qui ont dû attendre 24 mois. Or plus on intervient tôt, dans cette fenêtre entre 0 et 6 ans, lorsque les circuits fondamentaux de l’apprentissage, de la mémoire, du langage, des interactions sociales se mettent en place, avec une grande plasticité cérébrale, meilleures sont les chances de l’enfant de surmonter ses vulnérabilités de développement.
Colère enfin, parce qu’à l’échelle du pays, « nous ne pouvons plus attendre : chaque année de perdue, ce sont des milliers d’enfants qui voient leurs difficultés s’aggraver et leur bien être se dégrader. Notre mission est d’agir maintenant pour offrir à chaque enfant les moyens de s’épanouir, en mettant l’excellence au service du plus grand nombre.»
« Il faut un village pour élever un enfant »
Pour atteindre cet objectif, au carrefour entre médecine, recherche et éducation, l’institut rassemble-sous un même toit de 14 000 m2 à l’horizon 2007- toutes les expertises jusque-là dispersées, entre Assistance publique-Hôpitaux de Paris, Université, INSERM, CEA et institut Pasteur. Soit quelque 400 membres partenaires, entre praticiens spécialistes des TND, chercheurs (une vingtaine d’équipes), enfants, familles. « On a coutume de dire qu’il faut un village pour élever un enfant. Pour répondre aux besoins et difficultés que rencontrent les personnes avec un TND, ll faut de même une communauté engagée, qui ne travaille pas chacune dans son coin mais en synergie » appuie la Dre Ghislaine Dehaene, directrice du laboratoire de neuroimagerie du développement (CNRS/CEA), et désormais directrice de l’institut du cerveau de l’enfant.
La feuille de route de l’ICE, qui vise non seulement à mieux diagnostiquer-plus tôt-mais aussi à mieux informer et outiller les familles se décline autour de quatre axes :
-Mieux comprendre les mécanismes du développement cérébral et des apprentissages, leur vulnérabilité, leur plasticité. L’institut va notamment s’attacher à comprendre les facteurs de risque de TND : comment les variations génétiques et l’environnement (prématurité stress, infections materno-foetales, exposition aux toxiques) influencent le développement cérébral et la diversité des trajectoires des enfants.
-Développer la prévention et repérer précocement les vulnérabilités. Pour permettre à chaque enfant en France de bénéficier d’un accompagnement, l’ICE lancera notamment une plateforme digitale aidera les parents, les professionnels (enseignants, médecins, psychologues, personnels de crèche ou de PMI) à repérer les premiers signes de vulnérabilité ou d’anomalie du développement.
-Offrir un accompagnement personnalisé adapté à chacun. Par manque de coordination entre les différents professionnels de santé et le monde éducatif, entre autres, les enfants avec un TND ont trop souvent un parcours de prise en charge fragmenté. A leur détriment. Pour y remédier, l’ICE veut offrir un parcours de soin d’excellence en regroupant toutes les expertises (médicales et paramédicales) en un seul lieu. Il développera des programmes d’accompagnement à la parentalité sur mesure, s’appuyant sur des méthodes de remédiions cognitives scientifiquement validées, et des outils numériques.
-Innover. L’institut développera une plateforme d’innovation, pour favoriser la création de nouvelles technologies et outils numériques dédiés au développement de l’enfant. En soutenant la création de stratus spécialisées, en collaboration avec des laboratoires de recherche. Et en associant les familles au sein d’un « living lab » où ils pourront, avec chercheurs et professionnels exprimer leurs besoins et construire les nouvelles solutions. Ensemble. « Comprendre la neurodiversité est essentiel pour offrir un accompagnement adapté à chaque enfant. Cette recherche nécessite l’expertise de nombreux acteurs, dont celle des personnes concernées » souligne Thomas Bourgeron, professeur à l’institut Pasteur et directeur scientifique de l’institut.
Claudine Proust