Distraction, inattention, impulsivité, incapacité à rester concentré et en place…Et si ces symptômes du trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), si mal perçus-et vécus- à l’école, étaient moins un problème individuel qu’un problème de société ?
Les traits caractéristiques de ce trouble du neurodéveloppement, décrits pour la première fois dans une publication scientifique au XVIIe siècle, n’ont en effet pas toujours été un handicap. Et s’ils sont perçus ainsi aujourd’hui, il faut sans doute plus en chercher la raison dans l’environnement et les modes de vie actuels que chez les individus.
Cette conclusion, on la doit à des chercheurs de l’université de Pennsylvanie (USA), dont les travaux ont été publiés fin février sur le site de la revue scientifique Proceedings of The Royal Society. Une étude qui suggère que l’impulsivité, si souvent reprochée aux personnes avec un TDAH, pourrait au contraire avoir été un avantage évolutif chez nos ancêtres chasseurs-cueilleurs et parmi les populations nomades qui vivent en déplacement perpétuel.
Comment ça ? La propension à papillonner favoriserait l’exploration de zones inconnues pour chercher de la nourriture, au lieu de rester en terrain connu pour en exploiter les ressources.
Le TDAH, héritage génétique préhistorique ?
Si les traits liés à ce trouble dont on sait qu’il est pour partie d’origine génétique étaient vraiment néfastes, les lois de l’évolution aidant, ils auraient sans doute fini par disparaître, soulignent les scientifiques.
De précédentes recherches ont déjà mis en évidence la présence de mutations génétiques liées au TDAH dans des communautés de nomades actuelles, comme les Arials en Afrique. Les chercheurs ont voulu savoir si cette hypothèse selon laquelle le trouble influencerait la décision de se déplacer pour chercher de la nourriture se retrouve dans la population générale.
Pour le vérifier, ils ont recruté 457 adultes. Agés de 46 ans en moyenne, ils devaient d’abord répondre à un questionnaire évaluant leur symptômes de type TDAH : difficulté à se concentrer sur une conversation- même en face à face- ; impossibilité de rester assis en réunion ou de se relaxer, tendance à toujours tout reporter au dernier moment…Un peu plus de 200 des participants obtenaient un score positif à cette auto-évaluation.
Ensuite, tous ces « cobayes volontaires » devaient simplement se soumettre à un jeu en ligne. Le principe : cueillir un maximum de baies sur des buissons plus ou moins éloignés. Avec un temps limité : 8 minutes, pas une de plus.
La quantité de baies disponibles dans chaque buisson diminuant au fur et à mesure de la collecte, ils avaient le choix : rester sur les premiers buissons ou se risquer plus loin. Quitte à perdre un peu de temps en déplacements.
Un choix plus rapide
Au terme de l’expérience, les chercheurs ont observé que les joueurs qui affichaient un score élevé de caractéristiques TDAH récupéraient plus de baies que les autres. Pourtant, ils s’attardaient moins dans les buissons, préférant aller en explorer de nouveaux pour remplir leur panier, sans savoir combien de baies ils y trouveraient.
Le chercheurs concèdent que leur travail comporte une limite : les caractéristiques TDAH étaient auto-évaluées par les participants à l’étude. Elles ne correspondent pas à un vrai diagnostic. Il n’est pas dit non plus qu’ils auraient ramené plus de nourriture dans la vraie vie, et dans la nature, avec des déplacements plus compliqués que celui d’un curseur de souris sur ordinateur. Il n’empêche, cela conforte l’idée que certains traits du TDAH, peuvent aussi être utiles-et pourquoi pas s’épanouir- dans un contexte où l’on doit choisir vite et efficace.
Claudine Proust