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Dyslexie : lunettes et lampes clignotantes sont inefficaces 

© Olga Nikiforova
La promesse de ces objets connectés, commercialisés depuis deux ans, ne résiste pas à l’épreuve de l’expérimentation scientifique. C’est ce que révèle l’une des premières études indépendantes d’ampleur, menée pour évaluer l’efficacité des lampes et lunettes « spécial dys ».

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    09/04/2024

    Faire scintiller les mots sous une lumière LED stroboscopique peut-il faciliter la lecture des personnes dyslexiques ?  Dommage pour ce qui pouvait paraître une solution miracle. Mais non : malgré leur prix, les lunettes et lampes connectées n’ont rien de magique pour aider ceux qui peinent à lire. « Elles ne peuvent en tous cas pas changer la vie de plus de 90 % des utilisateurs, comme le laisse entendre leur argument marketing » résume Marie Lubineau. 

    aucun bénéfice du scintillement lumineux n’a pu être observé.

    Doctorante au laboratoire NeuroSpin, centre de recherche pour l’innovation en imagerie cérébrale dirigé par le neuroscientifique Stanislas Dehaene, sur le site du CEA Paris-Saclay, la jeune femme est bien placée pour l’affirmer. Marie Lubineau signe en effet l’une des premières études scientifiques d’envergure menée pour évaluer l’efficacité de ces accessoires. Un travail publié cet automne dans la revue Proceedings of The Royal Society, dont les conclusions sont claires : aucun bénéfice du scintillement lumineux n’a pu être observé.

    La « découverte » de deux physiciens

    Cette idée d’éclairer les textes par une lumière à haute fréquence, plus élevée que celle d’un néon, via une lampe ou des lunettes spécialement équipées pour la pulser et/ou la moduler a elle-même émergé d’une étude, parue en 2017 dans la même revue, sous la plume de deux chercheurs rennais. Les deux auteurs sont physiciens. Ils ne sont pas spécialistes de la dyslexie. Mais ils émettent néanmoins l’hypothèse que ce trouble, qui fait danser les lettres sous les yeux sans que l’on parvienne à les assembler en sons pour faire sens, puisse être liée à une anomalie de la rétine. 

    Cette conclusion, il la tirent de l’observation menée sur un groupe d’étudiants. Les uns étaient considérés comme dyslexiques, les autres « normolecteurs », c’est à dire sans aucune difficulté de lecture. Comparant la distribution de récepteurs (les taches centroïdes de Maxwell), situés dans une zone particulière de la rétine (la fovea), ils ont constaté une différence entre les deux groupes.

    Chez les normolecteurs, la répartition de ces récepteurs entre oeil droit et gauche est asymétrique. Chez les étudiants considérés comme dyslexiques dans cette étude, elle apparaît au contraire parfaitement symétrique, ce qui les empêche d’avoir un oeil dominant. Les deux chercheurs en déduisent que cette absence d’oeil directeur expliquerait la création d’images miroirs ou superposées des lettres chez les dyslexiques.

    Cette constatation anatomique leur suffit pour affirmer avoir identifié une cause ophtalmologique à la dyslexie. Pour y remédier et permettre un lecture « normale » il suffirait de faire clignoter un stimulus électrique sur le texte à une fréquence élevée de  70 Herz. Si le trouble se résume à un déficit de traitement visuel, il ne reste donc qu’à inventer ces dispositifs ! CQFD. 

    Les inventeurs se bousculent

    Les « inventeurs » n’ont d’ailleurs pas tardé à se précipiter sur une « découverte », très reprise dans les médias grand-public et même saluée d’un prix de l’Académie de médecine en 2020. Dès 2020, une Start-up rennaise fait le buzz au grand salon mondial des technologies qui se tient chaque hiver à Las Vegas, avec son prototype de « lampe révolutionnaire capable de faciliter la lecture à des millions de dyslexiques. » Ils ne sont pas seuls sur le créneau. 

    Espérer remédier au handicap lié à la dyslexie n’a évidemment pas de prix. Ces dispositifs vendus à grand renfort d’argument marketing, eux, en ont un. Et il est élevé.

    En 2021, deux modèles de lampes connectées à lumière pulsée ou modulée débarquent sur le marché, ainsi qu’un modèle de lunettes, revendu par un grand réseau d’opticiens. Espérer remédier au handicap lié à la dyslexie n’a évidemment pas de prix. Ces dispositifs vendus à grand renfort d’argument marketing, eux, en ont un. Et il est élevé. Entre 240 et 540 € la lampe. Pour une paire de lunettes sensée « remettre de l’ordre dans le désordre » des lettres, comptez 449 €. « Un prix absolument impossible pour certaines familles », gronde Nathalie Groh, présidente de la Fédération française des Dys (Ffdys).

    Une « solution » contraire aux recommandations

    Si cette histoire de lunettes lui fait voir rouge, ce n’est pas seulement à cause du tarif. C’est aussi et surtout parce que la pub pour ces dispositifs se révèle visiblement très efficace, au détriment du seul « traitement » de première intention recommandé par la Haute autorité de santé (HAS) pour aider les Dys à surmonter leurs difficultés : l’orthophonie. « Plusieurs orthophonistes nous ont alerté du fait que certaines familles les avaient appelés pour arrêter les séances, préférant investir dans une lampe ou des lunettes », soupire Nathalie Groh.

    Pire : les promesses miraculeuses ont visiblement gagné la sphère publique, là encore au détriment d’autres solutions d’aide aux personnes qui se débattent avec leur dyslexie. Au printemps dernier, dans son guide relatif aux aménagements d’examens pour la session 2023, le rectorat de Lyon indique en effet autoriser les fameuses lunettes connectées…mais pas forcément les logiciels régulièrement utilisés par les dys pendant les cours ! Deux de ces outils d’aide informatique, l’un de correction grammaticale et d’aide à la rédaction, et un logiciel de reconnaissance vocale, qui transcrit les mots parlés en écrits se trouvent d’ailleurs formellement proscrits. Motif : ils sont « de nature à créer une surcompensation et donc une rupture d’égalité entre les candidats » (sic).  

    Les doutes des spécialistes de la dyslexie 

    La commercialisation de ces lampes et lunettes a pourtant très vite fait tiquer les spécialistes de la dyslexie. L’Union nationale pour le développement de la recherche et de l’évaluation en orthophonie (UNADREO) indique dès 2021 qu’en « l’état des connaissances, elle ne recommande pas l’utilisation de ces dispositifs pour les personnes présentant un trouble d’apprentissage touchant la lecture (TSApL). »

    Le conseil scientifique de l’éducation nationale, qui rassemble des experts des troubles d’apprentissage, comme Stanislas Dehaene, Franck Ramus, chercheur en sciences cognitives et directeur de recherche au CNRS ou le Pr Richard Delorme, responsable du centre d’excellence pour l’autisme et les troubles du neurodéveloppement (InovAND) et du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré (AP-HP) émet lui aussi d’emblée des réserves.

    Elles sont même publiées dans une note pour « alerter sur l’ absence de consensus scientifique et l’insuffisance de la recherche à l’appui des lampes et lunettes proposées en remédiation de la dyslexie » sur le site…du Ministère de l’éducation nationale !

    Les réserves scientifiques

    Des réserves liées à l’insuffisance de la recherche ?  A y regarder de près, explique Marie Lubineau, l’étude des deux chercheurs rennais, qui a tout déclenché, soulève déjà quelques problèmes. De méthode : la supposée dyslexie du groupe d’étudiants qui peinait à lire n’a pas été établie/vérifiée. Et de conclusions : « plus la recherche avance sur la dyslexie, plus on s’oriente vers l’hypothèse d’un spectre de troubles, comme pour les troubles du spectre de l’autisme. »

    La théorie scientifique actuellement la plus étayée, est que la dyslexie est plutôt un trouble de traitement du langage : majoritairement liée à un déficit phonologique.

    La dyslexie ne se limite pas à inverser ou confondre les lettres miroirs, comme p-q, b-d, détaille  la chercheuse. « S’il est possible que le trouble soit parfois lié à un problème visuel, dans un moindre nombre de cas, cette hypothèse, étudiée depuis des décennies, n’a jamais réussi à faire consensus.

    La théorie scientifique aujourd’hui la plus étayée, c’est que la dyslexie est plutôt un trouble de traitement du langage : liée dans la majorité des cas à un déficit phonologique, qui empêche de faire le lien entre ce qui est écrit et la façon dont c’est prononcé.»

    Quant aux lampes et lunettes, dont le développement s’est appuyé sur ces travaux, elles n’ont tout bonnement pas fait l’objet d’études préalables avant d’être commercialisées. Ou s’il y en a eu, personne n’en a rien su. L’UNADREO a bien trouvé la trace sur la plateforme des essais cliniques, d’un projet mis en place par la marque d’opticien qui vend ces lunettes. Mais les résultats de cette étude, qui devait comparer l’efficacité du dispositif par rapport à un placebo chez une quarantaine d’enfants dyslexiques, et dont la plateforme rapporte qu’elle a pris fin en juin 2021, n’ont jamais été communiqués. 

    A la place, les consommateurs doivent se contenter des résultats d’une enquête d’opinion menée à la demande du revendeur auprès des utilisateurs. Un sondage favorable, qui indique que « 92% des porteurs ont constaté un changement de vie. » Rien de moins !

    Lunettes et lampes ne résistent pas au test

    Pour en avoir le coeur net, Marie Lubineau a pour sa part mené deux séries d’expériences. Avec son équipe, la chercheuse a d’abord évalué l’effet d’un scintillement lumineux imperceptible, principe sur lequel s’appuie ces dispositifs, et d’abord avec un clignotement à basse fréquence, sur 375 adultes normolecteurs et chez 20 collégiens diagnostiqués dyslexiques. 

    Tous étaient soumis aux mêmes exercice : lire un série de 360 mots plus ou moins longs (4 à 8 lettres). Il pouvait s’agir de vrais mots ou de pseudo-mots : une série de caractères ressemblant à un mot réel mais n’ayant aucun sens. Résultat ? Zéro bénéfice, dans aucun des deux groupes. Chez les adultes, le scintillement a même au contraire entravé l’identification des mots. 

    Elles ne facilitent pas la lecture des dyslexiques

    L’étude a ensuite évalué l’effet d’un scintillement à haute fréquence, similaire à celui embarqué dans les lampes et lunettes commercialisées, sur un groupe de 22 enfants dyslexiques. Ils ont été soumis à cinq sessions d’exercices dans des conditions différentes :  sans l’aide d’un quelconque objet ; avec une lampe éteinte, puis clignotante ; avec des lunettes, allumées ou éteintes. Sans savoir quand le scintillement était activé, les enfants devaient  successivement nommer des lettres de l’alphabet apparaissant aléatoirement à l’écran, lire un texte d’une page et enfin une liste de mots. 

    Avec des pièges : « on avait glissé dans cette liste des mots comprenant des lettres miroirs, visuellement proches, mais phonologiquement différents, comme bague et dague, ou quai et puai par exemple » détaille Marie Lubineau. Là encore, les résultats ne plaident pas en faveur de l’outil miraculeux. « On s’attendait à ce que cela fonctionne au moins sur une partie des participants, pensant que peut être une sous-partie de la population des dyslexiques-ceux qui peinent en effet avec les lettres miroirs- pourrait être aidée ». Mais non. Ni les lampes, ni les lunettes n’ont révélé leur faciliter la lecture. 

    Se méfier des traitements miracles

    L’étude s’est même penchée sur le cas particulier de deux personnes, une adolescente et un adulte, qui étaient déjà équipées et trouvaient l’utilisation des lunettes bénéfiques. Les chercheurs leur ont fait répéter trois exercices de lecture de mots isolés 8 fois, dans des conditions différentes : lunettes réellement allumées ou non, en leur faisant parfois croire qu’elles l’étaient. Aucune influence n’a pu être observée. A part « un léger effet blouse blanche- ou placebo- sur l’adolescente, lorsque je lui disais que les lunettes étaient allumées » confie Marie Lubineau. 

    « Ce n’est qu’une première étude, tempère la chercheuse en toute rigueur scientifique. Mais les conclusions vont s’étoffer au fil du temps. » Un travail similaire a déjà été menée par un équipe de recherche différente sur 23 adultes dyslexiques et 19 participants contrôles et aboutit aux mêmes conclusions : avec ou sans lumière pulsée, aucune différence. En attendant que cette étude soit publiée à son tour, « mieux vaut, conseille Marie Lubineau, faire attention aux solutions miracles »

    Claudine Proust

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