Dans la famille de Faye et Steeve Pineau-Mc Dermott, on prépare activement la naissance d’un nouveau bébé. Il a déjà fait ses premiers pas sur internet et son nom est choisi : Super-Spectre. Super, en écho aux super-héros de bande dessinée habillés de combinaisons colorées et Spectre, par référence au spectre de l’autisme, sera une nouvelle marque de vêtements inclusive, pensée et conçue pour habiller les enfants autistes.
Le projet a germé en septembre dernier alors que jeune couple, installé à Montaigu, en Vendée, avait déjà fort à faire avec sa petite troupe de trois enfants en bas âge. Harry l’aîné a 5 ans. Maggy, la cadette va tout juste sur ses douze mois. Tommy, né entre les deux, a fêté ses trois ans en février. Et c’est à ce petit blondinet souriant-et très dynamique- que l’on doit la naissance de cette aventure. « Super Spectre part de lui » explique Faye, ex-acheteuse, en congé parental depuis sa naissance.
Tommy a été officiellement diagnostiqué autiste cet automne. «C’était dur à entendre, mais on avait déjà cheminé depuis plusieurs mois avant ce coup de tampon final » sourit Faye. Le couple salue sa chance d’avoir pu bénéficier d’un repérage précoce, grâce à leur médecin traitant : une jeune généraliste, non seulement formée à la prise en charge spécifique des enfants, mais aussi aux troubles du neuro-développement.
« A la visite médicale des deux ans, Tommy manifestait un retard de langage, raconte la maman. On a d’abord pensé qu’il n’entendait pas bien, à cause de ses otites à répétition. On lui a donc posé des diabolos (ou yoyos, NDLR). » Comme ces aérateurs de tympan n’ont rien changé, « le médecin nous a rapidement orienté vers la PCO ». Ces plateformes de coordination et d’orientation, mises en place en 2019 ont pour objectif de permettre une intervention pluridisciplinaire coordonnée immédiate (orthophoniste, psychomotricien, etc) dès les premières difficultés repérées chez un jeune enfant et sans attendre un diagnostic définitif. « Ils nous ont orienté vers un centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP).»
Garder Tommy habillé devenait un combat permanent
Avec l’été, ses parents ont découvert une autre manifestation atypique chez Tommy : le déshabillage compulsif. Un comportement qui s’explique par un trouble de l’information sensorielle lié au TSA et se manifeste par une hyper ou une hypo sensibilité : visuelle, auditive ou corporelle, au contact des vêtements notamment. Garder Tommy habillé devenait combat permanent. Il enlevait le bas pour tirer sur sa couche, arrachait l’encolure des tee-shirts jusqu’à pouvoir glisser ses bras.
Impuissants à trouver comment l’empêcher de se déshabiller, ses parents se rabattent sur…une combinaison de bain achetée en grande surface de sport. Avec col légèrement montant, fermeture éclair dans le dos, et un legging en dessous, plus de problème. « On était clairement pas dans un look fashion week » rigole Faye. Mais Tommy se sent à l’aise dans ce vêtement monobloc, qui lui fait comme une seconde peau, sans serrage à la taille, ni risque de l’enlever.
« Il a porté ça pendant des mois », faute de mieux : « les vêtements adaptés qui existent sur le marché sont rares. On vous propose soit des modèles médicaux, pas très stylés. Soit des combinaisons plus sympas, vendues sur des sites étrangers, essentiellement anglo-saxons. J’ai fini par en commander une en Australie, avec des frais de port énormes et finalement pas très adaptée.»
Des combinaisons colorées adaptées aux enfants autistes
A la rentrée, « je me suis dit qu’il fallait quand même trouver une solution ». Si elle n’existe pas, pourquoi ne pas la créer ? C’est ainsi que Faye s’en est allée acheter du tissu et voir deux couturières. Objectif : créer des prototypes de combinaisons, réalisées sur le modèle de celle de bains, mais en plus joyeux. « L’idée était de joindre l’utile-qui réponde au besoin- à l’agréable, pour que l’enfant ait aussi du plaisir à le porter. Elle m’a fait une quinzaine de propositions. On a testé les modèles, les matières. »
Et si l’on pouvait ainsi rhabiller Tommy, pourquoi ne pas le proposer à d’autres parents d’enfants autistes, en imaginant deux types de modèles, l’un plus près du corps, pour les hyposensibles et un plus large, pour les hypersensibles? Avec différents tissus et un même petit écusson qui affiche fièrement un petit loup noir de super-héros ? Le pas a vite été franchi. L’idée de Super-Spectre était lancée.
Tandis que Steeve, responsable marketing freelance s’attelle à la création du site internet, Faye poursuit le travail de création des prototypes, désormais confiés à une modéliste dans le sud de la France, teste les modèles et les soumet au regard sur le compte Instagram qu’elle a lancé. En quelques mois, elle y a déjà rassemblé 2000 abonnés enthousiastes. Ils y suivent l’avancée des combinaisons, mais pas seulement. Derrière les petites lunettes de super héros, Super-Spectre s’affiche en effet aussi comme une communauté pour échanger ses solutions et au delà sensibiliser à l’autisme.
Les premiers modèles en vente d’ici la fin de l’année
Les jeunes parents, qui ne comptent pas leurs heures pour mener leur projet à bien espèrent proposer leur première série de combinaisons à la vente d’ici la fin de l’année.
Reste encore à trouver un lieu de production. « J’aurais voulu que ce soit en France, mais c’est impossible regrette Faye qui ne veut pas dépasser le prix de 90 € la combinaison : « cela représente déjà un budget, pour des familles où souvent l’un des parents doit s’arrêter de travailler. »
Trois modèles, de largeur et tissus différents, seront proposés, chacun en trois coloris, pour habiller les 2-12 ans. Ils seront commercialisés via le site internet, qui propose déjà une gamme d’objets inclusifs : des sacs en toile, des tours de cou personnalisables. Et bientôt des sweat shirts et blousons avec le même écusson aux couleurs de Super-Spectre, pour les adultes qui veulent afficher leur soutien à l’autisme et à la neurodiversité.
Claudine Proust