Créée en 1997 par l’ADAPT (association pour l’insertion sociale et professionnelle des handicapés), la Semaine pour l’emploi des personnes handicapées a évolué en 2015 pour devenir Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH). Si le nom a changé, l’objectif de ce temps fort, qui se déroule chaque année au mois de novembre reste le même : favoriser l’insertion des personnes en situation de handicap dans la société civile et le monde du travail, en démystifiant le handicap.
Sensibiliser le grand public et les entreprises
Dans cette optique, diverses actions de sensibilisation sont menées, pour casser les idées reçues et faire tomber les préjugés. La journée du Duoday, qui consiste pour une entreprise, une collectivité ou une association à accueillir une personne en situation de handicap en formant un duo avec un salarié volontaire est un moment fort-et très médiatisé- de cette semaine. Cette sorte de de « vis ma vie avec une personne en situation de handicap et en recherche d’emploi » doit cependant être bien accompagné, pour éviter le « côté foire », qui prévaudra si aucun réel échange n’est engagé avec les personnes accueillies, prévient Laurène Majada, formatrice chez Atouts et Handicap.
« La SEEPH est un moment important parce que le handicap fait encore peur et qu’il faut le démystifier, sensibiliser le grand public et les entreprises à la diversité », salue la formatrice. Reste qu’une journée sous le feu des projecteurs et une semaine de sensibilisation, c’est bien, mais pour donner sa place à chacun dans le monde du travail, quels que soient son handicap ou ses difficultés, cela ne suffit pas. L’intégration réussie d’un collaborateur en situation de handicap en entreprise nécessite en effet de suivre quelques conseils de base, 365 jours/ an insiste Laurène Majada.
S’ouvrir à la diversité et aux adaptations
Pour qu’une personne en situation de handicap soit vraiment intégrée et puisse évoluer sereinement au sein d’une entreprise, il faut d’abord… qu’elle puisse le dire ! Si elle le souhaite. Mais cela n’est possible que si l’employeur, lui, y a déjà pensé et mis en place une politique en faveur de l’inclusion. « Une politique en faveur de l’inclusion, prévient Laurène Majada, ce n’est pas juste offrir une prime à un salarié, qui s’est déclaré auprès de la MDPH en situation de handicap, ce qui permet à l’entreprise de voir son quota progresser pour atteindre le graal des 6 %. » Tout employeur de 20 salariés et plus est en effet tenu d’employer des personnes en situation de handicap, dans une proportion de 6 % de son effectif total. S’il ne respecte pas cette obligation, il doit verser une contribution annuelle à l’Agefiph (Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées).
Très fréquemment, quand vous demandez dans une entreprise qui est le référent handicap, les collaborateurs n’ont pas la réponse. Ils ne le connaissent pas.
Une vraie politique d’inclusion, poursuit la formatrice, s’articule autour de 3 piliers : le plan de recrutement, le plan de reconnaissance/maintien dans l’emploi et le plan de formation. « Au delà des effets d’annonce, le point fondamental est que le top management de l’entreprise soit lui-même convaincu qu’embaucher des personnes handicapées favorise la richesse du collectif. Sans cela, les intégrations se soldent souvent par des échecs. »
Toutes les entreprises n’ont malheureusement pas encore un référent handicap à temps plein, regrette-t-elle. « Très fréquemment, quand vous demandez dans une entreprise qui est le référent handicap, les collaborateurs n’ont pas la réponse. Ils ne le connaissent pas. Et pour cause, il s’agit souvent d’un salarié employé aux ressources humaines, qui ne consacre que 10 % de son temps de travail au handicap. »
Aménager le poste et les conditions de travail
Dans les grands groupes, qui se sont engagé dans une démarche de responsabilité sociale ou sociétale (RSE) -parce qu’ils ont bien compris que c’est aussi un outil pour améliorer leur image et leur réputation et s’attirer des talents- cela passe souvent par des accords d’entreprises. Au terme de ces accords, ils s’engagent à recruter des personnes en situation de handicap, en octroyant des jours de congé supplémentaires pour pouvoir se rendre à leurs rendez-vous médicaux et /ou en proposant des aides financières. Un coup de pouce pour mieux concilier la vie professionnelle ou absorber les contraintes liées au handicap (aménagement de véhicule, appareillage…)
Un manager formé au(x) handicap(s) et à la neurodiversité saura accompagner son collaborateur dans sa carrière professionnelle et permettre ainsi son maintien dans l’emploi.
Au quotidien, pour intégrer des personnes en situation de handicap et leur permettre de travailler comme tous les autres collaborateurs, il faut d’abord adapter ses conditions de travail, si nécessaire. C’est à dire tenir compte de ses spécificités et ses besoins particuliers, toujours en lien avec la médecine du travail.
Cela peut se traduire par « l’aménagement du poste de travail, avec un siège, un bureau adapté, ou un logiciel avec des polices de caractère spéciales ou bien par l’aménagement du temps de travail. Selon les besoins, détaille Laurène Majada, on peut par exemple autoriser une pause de 5 minutes toutes les heures pour les TDAH, ou favoriser le télétravail pour les personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA). En parallèle, il faut absolument acculturer et former les collègues de travail. A commencer par les managers. C’est la clef de voûte d’une intégration réussie : un manager formé au(x) handicap(s) et à la neurodiversité saura accompagner son collaborateur dans sa carrière professionnelle et permettre son maintien dans l’emploi. »
Réduire les inégalités
Car si l’on a la chance d’être embauché, « le maintien dans l’emploi est aussi un enjeu crucial pour les personnes en situation de handicap, souligne Laurène Majada, particulièrement pour les personnes neuroatypiques « , à la merci des effets pervers de tout changement mené au sein de l’entreprise sans tenir compte de leurs besoins.
« Le handicap cognitif peut être compensé à certains moments d’une carrière professionnelle. Mais cette compensation peut se trouver subitement fragilisée. Imaginez : vous êtes manager d’une équipe, dys, avec une assistante qui tape tous vos courriers ; ou bien autiste, dans une entreprise qui favorise le télétravail. Vos difficultés sont gommées. Jusqu’à jour où l’employeur décide subitement de licencier votre assistante, ou de mettre fin au télétravail pour tous dans l’entreprise, sans réévaluer votre adaptation de poste. Cela vous met dans une situation inextricable vis à vis de votre employeur. A moins d’être salarié protégé, par une reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH), » recommande Laurène Majada.
Faute d’intégration et de protection suffisantes, les personnes en situation de handicap paient un lourd tribut : leur taux de chômage est aujourd’hui de 12 % *. Soit presque deux fois supérieur au taux de chômage global.
Elvire Cassan
*Source Agefiph et observatoire de l’emploi et du handicap.