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Vers une fac plus inclusive

Le programme Atypie-Friendly aspire à rendre l’université plus inclusive.
Le programme Aspie-Friendly mobilise enseignants et étudiants autistes pour rendre l’université plus inclusive. Rebaptisé Atypie-Friendly cet automne, son action va s’élargir à tous les troubles du neurodéveloppement, dans le cadre de la nouvelle stratégie nationale présentée par le gouvernement mardi 14 novembre 2023.

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    Il y a quelque chose qui cloche à l’université française : alors que les personnes autistes sans déficience intellectuelle représentent environ 0,5% de la population, elles sont à peine 500 à se glisser sur les bancs de la fac. Statistiquement pourtant, leur nombre devrait avoisiner les 10 000.

    Cette équation bancale en chiffonne plus d’un, à commencer par le mathématicien Bertrand Monthubert. Assez pour que l’ancien président de l’Université de Toulouse III-Paul-Sabatier et conseiller régional d’Occitanie, impulse le lancement d’Aspie-Friendly –référence au syndrôme d’Asperger.

    C’était en 2018. Cinq ans plus tard, ce programme se déploie dans 25 établissements partenaires, soit près du tiers des établissements universitaires français. Rebaptisé « Atypie-Friendly » cet automne, il est désormais appelé à changer de calibre et poursuivre ses objectifs vers un public beaucoup plus large, dans le cadre de la stratégie nationale pour les Troubles du Neurodéveloppement (TND), dévoilée le 14 novembre.

    Le but, précise le gouvernement, est en effet de  « favoriser l’accès à l’enseignement supérieur des étudiants en situation de handicap et des étudiants aidants, en poursuivant le déploiement de ce programme (…) aux autres troubles du neurodéveloppement. L’objectif sera également de prendre en compte les spécificités des étudiants TSA, TDAH, Dys dans l’enseignement supérieur, pour leur donner toutes les chances de réussir, en veillant à les accompagner dans les périodes de transition ».

    « Cette ouverture ne pourra pas se faire du jour au lendemain, prévient d’emblée Sophie Lasserre, cheffe de projet au sein d’Atypie-Friendly. Les étudiants autistes représentent 3% des étudiants en situation de handicap accueillis dans les établissements d’enseignement supérieur. Si l’on considère tous les troubles du neuro-développement, on parle de 30% d’étudiants. Cela représente donc un gros changement d’échelle. On va donc a priori commencer par élargir le programme aux TDAH, qui demandent des conditions de prises en charge globales, comme l’autisme. »

    Innovation pédagogique

    Le programme, qui a été pensé sur 10 ans, court jusqu’en 2028. Il repose notamment sur des  « groupes de travail thématiques, constitués d’experts des disciplines impliquées, qui réfléchissent aux tenants et aux aboutissants de la pédagogie, pour mettre en place des nouvelles méthodologies, et créer des outils », explique l’universitaire. 

    Ces groupes réfléchissent aux diverses initiatives à mettre en place tout au long de la scolarité des élèves. Par exemple pour améliorer la transition depuis le secondaire vers l’université, « particulièrement complexe pour les personnes autistes ». Un autre groupe de travail réfléchit à  « l’autre bout de la chaîne » : l’insertion professionnelle .

    Entre les deux, les membres d’Atypie-Friendly réfléchissent aussi à leur façon d’enseigner. Plusieurs questionnements sous-tendent leurs travaux : « Est-ce que les personnes autistes ont une manière différente d’apprendre ? Quel est leur rapport à la connaissance ? Quels sont les mécanismes cognitifs en jeu chez elles dans une situation d’apprentissage ? Est-ce différent par rapport à la population globale ? « C’est à la fois de la recherche prospective et de la recherche appliquée, explique la cheffe de projet. À partir de là, on essaie de faire des recommandations pédagogiques, pour que le savoir issu de ces travaux soit mieux partagé parmi les enseignants. »

    Vie étudiante

    Dans sa prise en compte globale des difficultés auxquelles exposent les troubles du spectre de l’autisme (TSA), dans l’enseignement supérieur, Atypie-Friendly s’aventure aussi « à la limite du périmètre universitaire ». Un groupe de travail planche sur la vie quotidienne et à l’accompagnement social des étudiants « neurodivers ».

    Car tout ne se joue pas seulement en amphi. « Si nos étudiants sont mal logés, mal nourris, s’ils dorment mal, n’ont pas les soins psychiatriques nécessaires pour certains, ils ne peuvent pas étudier dans de bonnes conditions, voire pas étudier du tout », détaille Sophie Lasserre. Atypie-Friendly s’échine à rendre les frontières l’écosystème universitaire et les acteurs médico-sociaux plus poreuses. Deux mondes qui en règle générale « se parlent peu, alors qu’une personne autiste a besoin d’une prise en charge globale avec un nombre d’interlocuteurs limité », rappelle la toulousaine.

    « On a par exemple passé des conventions avec les CROUS, pour pouvoir proposer des hébergements adaptés en dehors des critères sociaux. Si un étudiant autiste est logé de l’autre côté de la ville par rapport à son lieu d’enseignement, cela l’oblige à prendre les transports en commun, ce qui se révèle particulièrement compliqué et énergivore pour lui. Mieux vaut lui proposer des logements sur le campus », explique-t-elle.

    Former les professionnels

    Mieux intégrer tous les étudiants dans l’enseignement supérieur, suppose évidemment, comme à l’école, d’avoir des professionnels mieux formés aux troubles du neurodéveloppement. Un groupe de travail est donc plus particulièrement chargé de créer des formations à l’accueil des personnes autistes.

    Parmi les objectifs de ces formations figure la détection d’une palette de « signaux faibles », symptômes de difficultés, voire de décrochage. Objectif : faire dépasser les idées reçues qui peuvent amener à considérer un étudiant pourtant motivé comme fainéant, malpoli ou suffisant alors qu’il est juste « renfermé » : « des incompréhensions qui relèvent juste d’interactions sociales particulières », résume la toulousaine. 

    Depuis le début du programme, 6000 personnels de l’enseignement supérieur environ ont déjà été formés, se réjouit la cheffe de projet. Cette année, Atypie-Friendly s’est également lancé dans la formation continue, toujours « en conformité avec les recommandations de la Haute Autorité de Santé« .

    « Mieux cerner les besoins »

    Pour apporter sa « plus-value » sur le terrain,  Atypie-Friendly collabore avec le service handicap présent dans chaque établissement.

    On cherche par exemple à connaître ses intérêts spécifiques, son niveau d’autonomie, son anxiété sociale, à évaluer sa compréhension de l’implicite ou de l’explicite.

    « Nous avons notamment instauré un entretien d’expression des besoins approfondi. Dans toutes les universités partenaires, cette sorte de profilage, que nous avons développé pour les personnes autistes, vise à mieux cerner les besoins propres à chacun. On cherche par exemple à connaître les intérêts spécifiques de l’étudiant, son niveau d’autonomie, son anxiété sociale, à évaluer sa compréhension de l’implicite ou de l’explicite. Toutes particularités qui peuvent accompagner  l’autisme à des degrés divers. À l’issue de cet entretien, on peut alors proposer des aménagements adaptés », illustre Sophie Lasserre.

    Des examens sur mesure

    Au delà de l’intégration à la fac et aux aménagements de cours, le programme s’intéresse aussi aux conditions d’examens. Eux aussi peuvent nécessiter des agencements, au-delà du seul octroi de temps supplémentaire.

    Si les consignes d’un devoir sur table -souvent lapidaires- ne sont pas explicitées par écrit, un étudiant mal à l’aise avec l’implicite a en effet toutes les chances d’échouer. À l’inverse, un examen oral a peu de chance de réussir à un étudiant embarrassé par son anxiété sociale. Détecter, puis prendre en compte ces difficultés en amont permet aux jeunes autistes d’avancer plus sereinement dans leurs études, sans voir leurs capacités étouffées par des modes d’évaluation inadaptés.

    Les moments de restitution des connaissances sont avant tout des situations d’interactions sociales. Être capable de projeter ce que l’autre attend de nous, c’est une compétence sociale qui peut échapper à certains étudiants autistes.

    Celui pour qui l’épreuve orale semble difficilement envisageable peut ainsi se voir proposer un examen écrit. S’il nécessite des explications approfondies des attentes de l’examinateur, il passera plutôt un examen oral.

    « Les moments de restitution des connaissances sont avant tout des situations d’interactions sociales. Être capable de projeter ce que l’autre attend de nous, est une compétence sociale qui peut échapper à certains étudiants autistes », souligne Sophie Lasserre.

    Tous ces aménagements n’ont pas forcément vocation à devenir pérennes pour chaque étudiant concerné. L’ambition d’Atypie-Friendly est de prendre les difficultés en charge petit à petit, jusqu’à ce que l’étudiant soit en capacité de répondre « comme tout le monde », précise la toulousaine. 

    Et si malgré tout, un étudiant échoue alors que ses connaissances auraient dû lui assurer un succès ? Atypie-Friendly  intervient encore, pour adapter les rattrapages. « J’ai en tête l’exemple d’une étudiante en bio. Elle était brillante. Les enseignants l’avaient repéré comme telle, mais lors d’un examen, inexplicablement, elle a rendu copie blanche. Les professeurs étaient très embêtés : pourquoi, alors qu’elle avait fait plein de choses au brouillon ? Quand l’équipe enseignante est formée, elle peut détecter qu’il y a visiblement un problème. On peut alors intervenir pour rattraper le coup  » rassure Sophie Lasserre. 

    « L’autisme n’est pas une honte »

    Dans la même logique, le programme s’assure que les étudiants autistes parviennent à s’intègrer dans les travaux de groupes. Un mode d’organisation du travail par définition difficile pour eux. Tellement parfois, qu’il peut les inciter à l’évitement.

    « Si un de nos étudiants disparaît des radars pendant un mois, il risque de passer pour un décrocheur, pour quelqu’un qui prend les choses par dessus la jambe, pour celui qui veut faire bosser les autres à sa place, alors que le problème n’est pas du tout là « , témoigne Sophie Lasserre.

    Pour favoriser la bienveillance, Atypie-Friendly invite aussi les jeunes à révéler leur trouble : “Notre posture est très claire. Pour nous, l’autisme n’est pas une honte, étant entendu que la divulgation du diagnostic s’accompagne de formation et de sensibilisation. Cette sensibilisation est centrale. Elle permet aux enseignants et aux camarades de comprendre ce qui se passe derrière des attitudes qui leur paraîtraient incompréhensibles autrement.”

    « Une vision moderne de l’autisme »

    Au delà des améliorations concrètes apportées aux étudiants qui en ont besoin, Atypie-Friendly permet ainsi une meilleure représentation sociétale des réalités de l’autisme, aux antipodes de la vision « psychanalytique » de ces troubles, qui a longtemps prévalu en France. « On est aussi là pour répandre une vision moderne de l’autisme » milite l’universitaire toulousaine.

    Le fonctionnement classique de l’université demande une autonomie immédiate.  « Le corps enseignant, c’est un réflexe bien compréhensible, finit par ne plus se poser des questions. » Mais les missions d’Atypie-friendly amènent tout l’écosystème à interroger ses pratiques. En définitive, cela profite à tous.

    « Se plonger dans la compréhension de l’autisme demande un petit investissement personnel. Il faut acquérir de nouveaux réflexes. C’est certain. Mais tous les enseignants qui bossent avec nous disent que ça améliore leur pratique globale. Leurs efforts consentis pour les étudiants autistes les amènent à être plus explicites, plus clairs, à penser les choses différement  » détaille Sophie Lasserre, pour qui « le programme a fait ses preuves. » Le nombre d’universités partenaires en tous cas va croissant. « En six ans d’existence, on commence à avoir un petit peu plus de visibilité », présume-t-elle.

    Richard Monteil

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