Accueillir un enfant, c’est plonger dans l’imprévu. « On n’est jamais prêt : tous les nouveaux parents se sentent incapables ou incompétents », souligne Romain Genet. Ergothérapeute intervenant auprès d’enfants et d’adultes avec un trouble du neurodéveloppement, il tentait ainsi de rassurer tous les jeunes adultes qui envisagent de devenir parents, lors du colloque sur le trouble développemental de la coordination (TDC), organisé par Dyspraxie France Dys (DFD) à Montpellier au printemps dernier.
Rassurer, épauler : pour les adultes qui vivent avec une dyspraxie, à l’âge d’être parents ou de le devenir, c’est un vrai besoin. C’est ce qui ressort de l’enquête menée l’an dernier par l’association. Elle repose sur un échantillon réduit de 95 réponses, mais c’est la première du genre, sur un thème qui n’avait jamais été interrogé. Parmi les participants, 69 % déclarent être porteurs d’au moins un autre trouble du neurodéveloppement, la dyspraxie étant citée par 29 % d’entre eux.
La fatigue : un enjeu quotidien
Comment vais-je gérer la fatigue et l’emploi du temps en étant dyspraxique ? Et si je faisais tomber mon bébé avec mes maladresses ? Ce sentiment d’inadéquation partagé par Laura ou Julien lors de la table ronde ne sont pas des inquiétudes isolées. Pour la majorité des répondants de tous profils, (parents ou non), la peur de ne pas réussir à lâcher prise face aux aléas de la vie parentale et la gestion de la fatigue apparaissent comme un point d’anxiété commun.
L’enquête révèle que 45 % des parents atteints de TDC éprouvent en effet des difficultés à gérer leur fatigue tout en jonglant entre suivi scolaire des enfants, activités de loisirs et vie quotidienne. Pour les adultes qui envisagent de devenir parents, la peur de l’épuisement est encore plus marquée : 57 % d’entre eux identifiant la fatigue comme une crainte majeure. Un stress souvent aggravé par des doutes quant à leur capacité à concilier vie professionnelle et responsabilités familiales.
La peur de transmettre le TDC
Pour les adultes avec un TDC atteints qui hésitent à devenir parents, la peur de transmettre le trouble à leurs enfants est omniprésente, et ce alors qu’aucune preuve scientifique ne valide un lien génétique unique. Cette inquiétude est particulièrement forte chez ceux qui ont renoncé à la parentalité : 63 % citent ce facteur comme ayant été déterminant dans leur décision.
Sidérée par ce chiffre, Emilie Guibert, coach et mère dyspraxique, apporte une perspective différente : « il n’y a pas mieux pour un enfant dyspraxique que d’avoir un parent dyspraxique, rassure-t-elle. On se comprend, et cela évite de leur demander de se suradapter en permanence. »
Consciente des défis exacerbés par les spécificités d’un trouble qui affecte la coordination et la planification, elle a néanmoins adopté des stratégies pour mieux s’organiser et alléger sa charge mentale. Comme 73 % des parents interrogés, elle s’appuie sur des outils pratiques : des plannings hebdomadaires pour structurer ses journées, des listes de tâches détaillées pour ne rien oublier, et des rappels programmés sur son téléphone pour rester maître de son emploi du temps.
Au-delà de ses solutions personnelles, faire appel à un professionnel de santé comme l’ergothérapeute permet de trouver des solutions adaptées pour compenser les difficultés liées à la dyspraxie. Que ce soit pour simplifier des gestes du quotidien ou développer des techniques pour mieux gérer les imprévus. Pour Emilie, ce soutien est indispensable pour faire taire les doutes et briser l’isolement des parents dyspraxiques.
Un besoin d’accompagnement
Les résultats de l’enquête mettent également en lumière le besoin d’accompagnement professionnel des parents. Les participants souhaitent, pour 60 % d’entre eux, bénéficier du soutien d’ergothérapeutes pour apprendre les gestes du quotidien avec un bébé (plier le linge, changer une couche…) ; des psychologues pour les aider à gérer leurs émotions et leur stress, et d’assistances sociales pour alléger la charge des démarches administratives.
L’objectif : réduire la charge mentale et se sentir “des bons parents. » L’étude révèle en parallèle que ce soutien ne doit pas se limiter aux professionnels. Les adultes concernés veulent aussi tisser des liens avec leurs pairs et appelaient à la mise en place de groupes de parole : pour partager expériences, astuces, et briser leur isolement. Message reçu : DFD va ainsi proposer à compter du premier trimestre de cette année, des groupes d’échanges aux adultes avec TDC (et leur conjoint éventuellement), déjà parents, se préparant à l’être ou envisageant de le devenir. Ce rendez-vous en ligne, animé par par une personne concernée à titre personnel par le TDC et expérimentée dans l’animation des groupes, comme Emilie Guibert, offriront un espace où partager expériences, astuces et soutien émotionnel. Pour rejoindre ce groupe ou en savoir plus, les personnes intéressées peuvent remplir le formulaire disponible en ligne : Accéder au formulaire.
Elvire Cassan
→ Pour aller plus loin : les résultats détaillés de l’enquête https://www.dyspraxies.fr/enquete-sur-la-parentalite-2024/ et une table ronde sur le sujet, réalisée le 27/04/2024, peut être visionnée via le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=8WYENiPdydU