Il avait déjà donné un aperçu de sa « culture » scientifique et médicale, aussi hasardeuse que dangereuse, en avril 2020, lors de son premier mandat. A l’occasion d’un point presse à la Maison Blanche, en pleine crise Covid, Donald Trump suggérait que l’on pourrait sans doute imaginer éradiquer le coronavirus en exposant le corps à de puissants ultraviolets, ou pourquoi pas en y injectant…du désinfectant.
Lundi 22 septembre, lors d’une conférence de presse aux côtés de son ministre de la santé, Robert Kennedy Jr, connu pour ses positions antivaccins, le président des Etats-Unis ne s’est pas plus embarrassé de rigueur intellectuelle pour exhorter les femmes enceintes à ne plus prendre de paracétamol (ou acetaminophène).
Commercialisé sous le nom de Tylenol, aux Etats Unis, Doliprane ou Dafalgan en France-cet antidouleur et antifièvre très répandu serait selon lui le coupable de ce qu’il qualifie d’épidémie d’autisme aux Etats-Unis. Une « épidémie » à laquelle il avait promis de trouver une explication en début d’année.
Aucune preuve scientifique solide
« N’en prenez pas, battez-vous pour ne pas en prendre » a martelé Donald Trump à l’adresse des femmes. Considérant que « les mères devraient un petit peu endurer la douleur » (sic) il s’est aussi permis d’avancer que « selon une rumeur − et j’ignore si c’est le cas − ils n’ont pas de paracétamol à Cuba car ils n’ont pas de quoi s’offrir de paracétamol. Eh bien, ils n’ont quasiment pas d’autisme. »
En matière d’argument solide, ça se pose là. Et les experts scientifiques du monde entier se sont levés comme un seul homme pour dénoncer cette énième fake news du président des Etats-Unis et ses dangers. Outre que le terme d’épidémie est contestable et contesté, parce l’augmentation des cas d’autisme-dont on ne rappellera jamais assez que ce n’est pas une maladie-relève largement de l’amélioration des diagnostics, « il n’y a pas de lien avéré entre le paracétamol et l’autisme, et les vaccins ne provoquent pas ce trouble non plus, contrairement à ce que suggère l’administration Trump », a fermement rappelé l’organisation mondiale de la santé (OMS), par la voix de son porte-parole Tarik Jasarevic. L’agence européenne du médicament (EMA) est elle aussi montée au créneau pour réaffirmer que «aucun lien solide n’a pu être établi. »
Pas de lien avéré entre paracétamol et autisme
« Près de 62 millions de personnes vivent avec un trouble du spectre autistique dans le monde, et il est clair qu’en tant que communauté internationale, nous devons redoubler d’efforts pour comprendre (ses) causes » a aussi indiqué le porte-parole de l’OMS. Les causes de l’autisme sont multifactorielles et des facteurs génétiques ont, eux été scientifiquement établis. L’éventuel lien avec le paracétamol, seul anti douleur recommandé pendant la grossesse, a fait l’objet de dizaines de travaux scientifiques ces dernières années. «Certaines études d’observation ont suggéré une possible association entre l’exposition prénatale au paracétamol et l’autisme, mais les preuves restent incohérentes » détaille Tarik Jasarevic.
Et à ce jour, les données disponibles ne permettent pas de montrer un lien de cause à effet. Pas même la dernière étude en date, menée en 2025 par des chercheurs américains de l’Icahn School of medicine de Mount Sinaï et de Harvard, sur laquelle Donald Trump prétend s’appuyer. Si leur revue de 46 études d’observation menées antérieurement suggère une corrélation entre exposition prénatale à l’acétaminophène et trouble du neurodéveloppement, ils déclarent aussi que cela ne prouve pas que le médicament en soit à l’origine : corrélation ne signifie jamais causalité !
En 2024, une grande étude rétrospective a été conduite en Suède* sur près de 2,5 millions d’enfants nés entre 1995 et 2019 suivis jusqu’au 31 décembre 2021. Sa conclusion : l’exposition au paracétamol pendant la grossesse de 186 000 d’entre eux, après comparaison avec leur fratrie qui n’y avait pas été exposée, n’a eu aucun effet sur le risque d’autisme ou de TDAH. Les chercheurs y suggèrent aussi que les associations mises en évidence dans d’autres études peuvent résulter de facteurs de confusion. Il est notamment difficile de distinguer les effets du médicament des raisons pour lesquelles il est pris : une forte fièvre peut-elle même augmenter les risques de troubles du développement.
Le paracétamol, quand sa prise est médicalement justifiée, à la dose minimale efficace et pour la plus courte durée possible, reste bien à ce jour le seul médicament recommandé en cas de forte de douleur ou fièvre pendant la grossesse, contrairement à l’aspirine (à cause du risque hémorragique) et l’ibuprofène, qui peut notamment causer des malformations congénitales.
Claudine Proust
* JAMA, April 9, 2024; 331;(14): 1205-1214