La pratique sportive est-elle importante pour les personnes avec un trouble du spectre de l’autisme (TSA) ?
Elodie Couderc. Les bénéfices d’une activité physique régulière sur la santé globale ne sont plus à démontrer. Pour tout le monde ! Pour les personnes avec un TSA, la pratique d’une activité sportive présente en outre plusieurs intérêts spécifiques. D’abord, elle permet, comme à tout un chacun, de s’aérer et de relâcher les tensions corporelles. Le sport aide aussi à améliorer les capacités cardiovasculaires et de coordination des mouvements, la motricité, l’équilibre. Il permet de travailler la communication et les interactions sociales et améliore ainsi la qualité de vie. Il se révèle également bénéfique pour réduire les troubles du comportement : plus on se dépense physiquement, moins on s’expose à des explosions d’énergie en fin de journée. Certaines études ont même démontré que l’activité physique peut contribuer à réduire les gestes stéréotypés. Chez les adolescents, elle permet enfin de lutter contre la sédentarité. Celle-ci apparaît plus importante chez les adolescents avec un TSA et de grandes capacités intellectuelles qu’en population adolescente générale, parce qu’ils ont tendance à se réfugier dans l’univers des jeux vidéos.
Comment choisir la meilleure activité sportive pour mon enfant ?
E.C. De plus en plus de parents sont convaincus de l’intérêt de proposer la pratique d’un sport à leur enfant avec un TSA.
Le premier critère, essentiel, qui doit guider le choix d’une activité sportive, c’est l’envie, les centres d’intérêts et le plaisir.
Même si l’on constate que certains sports individuels comme l’escalade et la natation ou bien les arts martiaux-avec leurs codes précis- attirent beaucoup les personnes autistes, aucun sport n’est à privilégier en soi. Le premier critère, essentiel, qui doit guider le choix d’une activité sportive, c’est l’envie, les centres d’intérêts et le plaisir de la personne, qu’elle soit enfant, adolescent ou adulte . Même si c’est un sport collectif, comme le foot ou le rugby, avec beaucoup de mouvements et d’interactions, et que cela paraît a priori plus difficile : le club de rugby sport adapté de Tarn et Garonne compte trois jeunes adultes avec un TSA, qui vivent très bien la pratique de ce sport ! Si l’enfant est attiré et passionné par un sport, il ne faut pas l’empêcher de le faire.
A condition de trouver un club qui l’accueille, adapté et à l’écoute de ses besoins…
E.C. C’est malheureusement encore un frein. Lorsque la FFSA a mené son enquête sport et autisme en 2021, questionnant des personnes diagnostiquées ou se reconnaissant autistes via les centres de référence (CRA) pour savoir si elles rencontraient des difficultés dans la pratique d’une activité sportive, la réponse a été « oui », à 81 %. Le premier écueil souligné étant le manque de formation des encadrants, devant l’absence de club à proximité de chez soi.
Même si dans l’absolu tous les types de sport sont envisageables pour une personne autiste, il est en effet important que la pratique soit encadrée par des éducateurs-en nombre suffisant-qui connaissent l’autisme, et sachent s’adapter aux besoins de l’enfant/ adolescent/adulte. Il faut absolument éviter de le mettre en échec. Même si aucune association sportive ne devrait faire de discrimination, mieux vaut encore un club qui ait l’honnêteté de reconnaître ses limites que risquer un accompagnement inapproprié : une inclusion ratée peut faire beaucoup de dégâts.
Comment améliorer cela ?
E.C. C’est mon leitmotiv et l’un des gros chantier à la FFSA depuis quatre ans : faire comprendre aux clubs que les personnes autistes ont des capacités et des besoins spécifiques, certes différents d’une personne à l’autre, qui doivent être accompagnés. Pour y les aider, sachant que se former prend du temps, notre première action a été de rédiger un livret de préconisations que nous avons imprimé et adressé en 2022 à l’ensemble des clubs affiliés à la FFSA. Mais nous avons souhaité aller au delà : ce guide pratique est téléchargeable gratuitement, donc accessible à tous, aux clubs affiliés ou non à la FFSA, à leurs dirigeants, éducateurs sportifs et bénévoles. Et même aux parents, qui peuvent s’en servir pour aider les éducateurs sportifs à bien accueillir leur enfant. Pour aller encore plus loin, cette année, nous avons édité un deuxième livret, qui donne des outils- avec des séries de pictogrammes notamment-pour mieux accompagner les personnes autistes, aux clubs affiliés à la FFSA. Et nous avons développé une formation à destination des éducateurs sportifs : le certificat fédéral sport et autisme.
Combien d’associations sont aujourd’hui affiliées à la FFSA ?
E.C. Elles sont aujourd’hui plus de 1200, qui proposent plus de 50 disciplines sportives, à tous niveaux de pratiques : des activités motrices au sport de haut niveau, en passant par la pratique de loisir ou compétitive. Elles sont de trois types. Il y a des clubs qui ont été créés spécialement en lien et/ou à proximité d’établissements médico-sociaux et qui peuvent parfois également accueillir des personnes extérieures ; des associations créées par des parents ; et des clubs de sport « ordinaires » qui ont ouvert une section de sport adapté. La FFSA, dont la mission principale est d’offrir à toute personne en situation de handicap mental ou psychique la possibilité de pratiquer le sport de son choix, avec plaisir et en toute sécurité, a ainsi aujourd’hui la chance de s’appuyer sur un réseau de bénévoles et de professionnels à l’écoute des besoins particuliers. Ce réseau peut donc être être une réponse lorsque l’on cherche un club ou inscrire son enfant. Malheureusement, l’offre est encore inégalement répartie sur le territoire. Certains parents dont l’enfant voudrait pratiquer du foot nous disent ne trouver que de la danse ou du judo à proximité…Il y a donc encore du travail, mais nous agissons pour favoriser l’ouverture de nouvelles offres sportives.
En attendant, que conseillez-vous pour trouver un club sportif adapté près de chez soi ?
E.C. On peut pour commencer appeler son comité départemental de sport adapté, dont les coordonnées se trouvent sur le site internet de la FFSA (rubrique « ou pratiquer ») : ils ont une bonne connaissance du réseau sportif local, y compris « ordinaire » et pourront vous orienter vers les clubs les plus à même de répondre à vos besoins. On peut également se connecter aux site gouvernemental HandiGuide des sports, qui référence tous les clubs susceptibles d’accueillir des personnes avec tel ou tel handicap. Certains, même s’ils ne sont pas affiliés à la FFSA peuvent en effet avoir une démarche engagée et annoncer accueillir des personnes autistes. Il ne faut en effet pas s’interdire d’aller frapper à la porte d’un club près de chez soi-même non affilié : certains éducateurs peuvent être partants et la FFSA peut leur apporter un soutien.
Propos recueillis par Claudine Proust
→ Pour télécharger gratuitement le livret de préconisations pour l’accompagnement des personnes en milieu sportif, c’est ici