De la terre censée être plate au supposé complot mondial du Covid- et la suggestion de boire de l’eau de javel pour s’en soigner- ou l’affirmation erronée que le paracétamol serait cause de l’autisme, en passant par les vidéos virales de bébés ours polaires très calins, prétendument sauvés par de gentils pêcheurs… Personne n’échappe aux infox, fake-news et autres contenus frelatés. S’informer semble désormais un parcours du combattant, avec des pièges à chaque coin de page internet ou de post sur nos réseaux sociaux.
Faut-il s’inquiéter pour nos enfants qui grandissent dans un monde où les faits avérés semblent avoir de moins en moins de valeur ? Et comment les guider ?
Comprendre les usages de nos enfants
Les adolescents qui possèdent des comptes sur des réseaux sociaux et échangent beaucoup de contenus entre eux semblent particulièrement exposés. Mais la génération qui a grandi avec Instagram et Tiktok a un rapport à l’information différent de celui de leurs aînés, observe Clémentine Billé, journaliste et membre de l’association Nothing2Hide, au sein de laquelle elle chapeaute le programme d’éducation aux médias et à l’information (EMI).
« Ils peuvent bien sûr voir des contenus de type fake news, mais il y a souvent un décalage entre les craintes des adultes et les pratiques de leurs enfants. Les parents n’ont généralement pas conscience que les adolescents s’informent en réalité très peu sur les réseaux, où ils suivent majoritairement des comptes de divertissement. »
Pour armer efficacement les plus jeunes contre la mésinformation (une information fausse qui n’a pas pour but de nuire) et la désinformation (de fausses informations créées dans le but de nuire ou de manipuler), il est donc d’abord nécessaire de connaître leur rapport aux usages numériques.
« Il ne s’agit pas d’être intrusif, mais dans une démarche de partage, vous pouvez demander à votre ado de vous montrer quelques comptes qu’il/elle aime bien et en faire de même en retour, suggère Clémentine Billé. Vous pouvez aussi discuter avec eux des différences entre journalistes et influenceurs, de ce qu’est un média, lui demander quelles sont ses sources d’information et discuter de leur légitimité selon le sujet. »
Tous acteurs !
Une info partagée par mes copains ou ma cousine plus valable que celle émanant d’un organisme ou d’un site officiel ? Rien n’est moins sûr. Nous sommes pourtant nombreux à considérer nos proches comme des sources dignes de foi.
Si les fake-news se propagent aussi vite c’est parce qu’elles jouent sur nos émotions (surprise, excitation, colère, tristesse, indignation)
Selon le dernière édition du baromètre de confiance des Français envers les médias (La Croix-Verian-La Poste. Janvier 2025), 70 % des personnes interrogées disent faire confiance à une information transmise par les personnes de leur entourage. Cela implique que nous avons tous une vraie responsabilité morale quand nous partageons un contenu à notre propre réseau.
Et si les fake-news se propagent aussi vite c’est aussi parce qu’elles jouent sur nos émotions (surprise, excitation, colère, tristesse, indignation). Ce qui conduit à réagir très vite, en « likant » ou en partageant illico-y compris pour critiquer le contenu ! « Un conseil simple, si le contenu provoque une émotion forte : je souffle un coup et je réfléchis avant de réagir à une publication, et donc de lui donner encore plus de visibilité, résume Clémentine Billé.
Méfiez-vous en premier lieu des contenus qui ciblent des groupes de personnes ou des communautés. Explorez ensuite le profil du compte ou la rubrique « A propos » du site pour en savoir plus sur les auteurs et leurs intentions. Et vérifiez si l’on retrouve cette information, image ou vidéo sur d’autres sites ou comptes qui ne sont pas liés à la source initiale ».
L’intelligence artificielle générative progresse très vite et la qualité des contenus produits aussi. Mais si l’on regarde les images et vidéos attentivement, il est-pour l’instant encore- souvent possible de détecter des bugs (son décalé, mouvements des lèvres qui ne correspondent pas au texte, doigts ou main en trop, ombres inexistantes ou mal orientées…) qui doivent mettre la puce à l’oreille.
« On se méfie de l’IA mais souvent les photos/vidéos utilisées pour alimenter des fake news sont de vrais contenus mais utilisés totalement hors contexte, prévient aussi Clémentine Billé. Faire une recherche inversée en glissant le contenu dans TinEye *ou Google image peut permettre de trouver quand et dans quel contexte il a été publié la première fois. » De nombreuses ressources sont disponibles en ligne, notamment sur le site factoscope.fr. et partout en France des associations d’EMI proposent des ateliers pour tous et tous les âges, pour aider à mieux comprendre les évolutions du monde de l’information et développer ses compétences de vérification.
Stéphany Gardier
*tineye.com
Influenceur ou journaliste ? Faites la différence
Les influenceurs sont devenus des sources d’information pour beaucoup de personnes et pas seulement des plus jeunes ! Certains produisent des vidéos ou des podcast avec des personnalités très connues, qu’il s’agisse d’acteurs, chanteurs, écrivains… ou même du Président de la république. Et certains peuvent avoir une expertise de qualité. Mais un influenceur n’est pas un journaliste, et il est important de bien connaître les différences entre ces deux métiers, pour utiliser leurs productions à bon escient.
A l’exception de ceux qui travaillent pour un média dit « d’opinon » ou ouvertement affiliés à un parti politique ou une entreprise, les journalistes ont pour mission de rapporter et synthétiser des faits vérifiés, pour permettre aux citoyens de se forger leur propre opinion.
Les influenceurs ont au contraire pour objectif de convaincre leurs followers du bien-fondé de leurs propres convictions pour les amener à passer à l’action : acheter un produit, signer une pétition ou voter pour une personne. Leur travail ressemble donc plus à celui de lobbyistes. Et quand il s’agit de contenus sponsorisés, à de la publicité.
Se poser les bonnes questions
Adoptez cette check-list, lorsque vous lisez, regardez ou écoutez un contenu en ligne :
- Dans quel but cette personne a-t-elle créé ce contenu ?
- Cite-t-il plusieurs sources avec des points de vue différents ?
- L’information a-t-elle vérifiée (en direct sur place, en interrogeant des experts) ?
- Le contenu est-il sponsorisé par une marque ?
- Quelle est l’expertise de la personne qui a créé le contenu, et de celles qu’elle interrogées, sur le sujet abordé ?